Durant les quelques secondes que ce baiser dura, Clara se sentit ailleurs, comme transportée. Elle avait embrassé Maxence nombre de fois, mais jamais elle n’avait ressenti cette sensation qu’elle avait avec Loïc. Quelques secondes, elle oublia sa vie de famille et ne pensa qu’à l’instant présent. Elle aurait voulu que ce baiser dure indéfiniement. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et Clara se détacha de l’emprise de l’homme pour le regarder gravement. 

- Loïc, je suis désolée, je sais que j’aurais pas dû… Tu es avec Marie, je suis avec Maxence, et tout va bien comme ça…
- T’as pas à être désolée. Ce baiser, c’est moi qui l’ai voulu et tout est ma faute. Mais ça m’a beaucoup plu et j’aimerais vraiment que ça se reproduise un jour… tu serais d’accord ?
Ces mots étaient de trop. La gêne céda à la surprise, puis à la colère et Clara s’emporta. 

- Nan mais putain, Loïc, t’as perdu la tête ou quoi ? Je suis fiancée, toi t’as une copine qui est censée être ma meilleure amie et qui plus est collègue de bureau, et tu veux m’embrasser ? T’as cru que j’allais dire oui ? 

- J’ai cru que tu m’aimais vraiment, oui, alors après, j’ai dû me tromper parce qu’apparemment tu n’es pas de cet avis-là.
- Exactement, t’as tout compris.
- Donc va retrouver ton putain de fiancé, faites des gosses ensemble et ça sera très bien pour vous. Ça va être la troisième fois qu’on coupe les ponts, mais cette fois c’est réel. T’attends pas à me revoir un jour, sérieux. Adieu Clara.
- Adieu Loïc.

Loïc ne put s’empêcher de se retourner quand il partit. Il regarda Clara une dernière fois, retenant ses larmes. Lui l’aimait. Mais ses sentiments n’étaient pas partagés, et il devait s’y faire. Il prit alors ses jambes à son cou et s’enfuit sous les yeux de son amante.

Clara ne vit rien de tout cela. Elle regardait le sol, comme si elle cherchait désespérément une solution qui s’y trouverait. Mais elle dut se rendre à l’évidence ; il n’y aurait rien qui l’aiderait. A présent, elle ne pouvait que rentrer chez elle. Vite. 

Elle monta dans le premier taxi qu’elle aperçut, et, le regard vite, se laissa conduire vers son domicile. Elle ne pleura pas. Cela n’était plus nécessaire.

Elle s’assit sur le canapé, et, machinalement, alluma la télévision. Elle resta sur la première chaine où elle tombait. Après tout, le contenu n’avait pas vraiment d’importance. Elle ne le regardait pas vraiment, en réalité. 

Lorsque Maxence arriva, elle s’efforça de paraître heureuse et normale.
- Bonjour ma chérie ! Tu vas bien ?
- Ou… oui mon amour, je vais très bien.
- Ça a pas l’air pourtant… T’es sûre que ça t’a fait du bien, cette petite sortie ? 

- Maxence, s’il te plaît… Je suis fatiguée et j’ai pas une folle envie de parler ce soir.
- Genre… Cette sortie, elle était pas là pour que tu te ressources ? Parce que là, on dirait pas, sans vouloir t’offenser ou quoi…
- C’est pas ça du tout…
- Tu crois pas que ce serait plus simple de me dire la vérité plutôt que de me faire tourner autour du pot ?
- Arrête, je sais très bien que tu sais ce que j’ai fait.
- Je te jure que non.
- Bon, très bien, si tu veux vraiment savoir, je… je crois que tu mérites de connaître la vérité, mais… je t’aime. 

- Ah, c’est ça que tu voulais me dire ?
- Je… oui enfin… non.
- Alors qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je t’ai trompé…

Maxence ferma les yeux un moment. Il ne se sentait pas capable d’accepter la nouvelle que sa fiancée venait de lui annoncer.
- Qu… quoi ?! Tu es sérieuse ? Moi qui croyais que tu m’aimais vraiment, bah franchement tu me déçois… En même temps ça faisait longtemps que je m’en doutais, toujours en train de sortir entre copines ! Bah je comprends maintenant ce qui se passait vraiment ! Ça fait combien de temps ?
- Il ne s’est rien passé de plus qu’un baiser, Maxence. Je te le jure…
- Ouais c’est ça ! J’en ai marre de tes promesses à la con ! 

- Mais je te jure… C’est un vieux copain de primaire et ça va faire depuis la naissance de Maxime qu’il m’harcèle parce qu’il m’aime et j’ai fini par craquer…
- Ça pardonne rien ça ! T’aurais pu me le dire dès le début et je t’aurais aidée ! Avant de me tromper comme ça, de quoi j’ai l’air maintenant ?
- Je suis désolée, vraiment…
- Ouais bah j’espère que t’es désolée. Je te laisse, j’ai besoin de réfléchir. 

Clara se tourna vers sa fille. Elle avait assisté à la dispute de ses parents, sans comprendre ce qu’il se passait réellement.
- Man, qué qui s’pass ?
- Rien ma chérie… C’est juste Papa et Maman qui ne sont pas d’accord sur quelque chose, du coup ils crient un peu, mais ça va passer. Enfin j’espère… Tu sais je l’aime ton papa.
- T’aime Maman !
- Oh mon ange, moi aussi je t’aime. Tu as déjà mangé ?
- Vi ! Veux dodo !
- D’accord, on va aller se coucher alors. 

Maxence était resté devant la télé, son fils dans les bras. Le regard vide, il resta muet. Il ne voulait dévoiler aucune de ses arrière-pensées, que ce soit à ses enfants ou à Clara. 

Cette dernière se mit alors à la préparation du repas du soir. Machinalement, la tête ailleurs, elle exécuta ces gestes rituels. Une fois encore, elle se retint de pleurer. Mais elle ne le fit pas, pour ses enfants et pour elle. Mais pas pour Maxence. Ce soir-là, lui ne comptait plus dans son cœur. 

La petite Zoé n’avait finalement pas voulu dormir, et réclamait un dessert. Maxime finit par céder, n’en pouvant plus d’entendre les cris de sa petite sœur.
- Qu’est-ce que tu lui donnes encore à manger ? Tu veux qu’elle fasse une indigestion ou quoi ?
- Si elle a faim elle a faim, je vais pas la laisser dans son berceau comme ça non plus, tu sais très bien que ça servirait à rien.
- Évidemment, si on fait ça à chaque fois qu’elle nous fait un caprice, elle s’arrêtera pas de chialer toutes les nuits, non.
- Mais tu m’expliques ce qu’il s’est passé aujourd’hui avec Maman ? Je vous ai entendu crier tout à l’heure.
- Tu sais très bien ce qu’il s’est passé, Maxime. J’ai pas l’intention d’en parler de toute manière.
- Me dis pas qu’elle t’a… ?
- Apparemment, si. Maintenant, donne la bouffe à la petite si t’y tiens tant et viens t’asseoir, on va manger là. 

- Tiens, ton repas, Maxence.
- Merci Clara.
- Oh bah de rien ! Tu permets que je m’asseoie ou j’ai pas le droit ?
- Assieds-toi, mais essaie pas de me parler plus.
- A vos ordres, chef.

- T’aurais pu les saler un peu plus, quand même, dit froidement Maxence.
- Ouais bah c’est bon, t’as qu’à lever tes fesses et le chercher toi-même, ton sel.
- T’es pas obligée de me parler comme ça, non plus.
- Ah parce que tu te sens en droit de me commander maintenant ? Je prends note, je prends note.
- Bah prends bien note, alors, parce que je compte pas le répéter deux mille fois.

Maxime s’assit dans le plus grand silence et se tut. Il n’avait aucunement l’intention de se mêler à la conversation de ses parents. Il ne voulait pas aggraver la situation, qui qui plus est était déjà grave. 

Après le repas, qui se termina aussi froidement qu’il avait commencé, Clara rangea l’ensemble des assiettes au lave-vaisselle. Cette fois-ci, une larme coula sur sa joue, mais elle la ravala de suite.
Chaque larme lui faisait perdre le peu de force qu’il lui restait. Et elle en aurait besoin pour affronter les épreuves qui allaient suivre. Elle ne pouvait se permettre aucun écart, quel qu’il soit. 

Puis, elle alla se coucher, seule dans son grand lit. Maxence s’était réfugié dans le canapé du salon – le lieu de leur dispute. Comme si cela ne suffisait pas, pensait Clara.

Fin de l'épisode 19.