Tu m'avais regardé droit dans les yeux. Je ne savais quoi penser, à part à ta réponse.
Elle allait être décisive pour moi, pour ma vie. Ou tu disais oui... Ou je ne pouvais plus te voir.
Non. Plus jamais.
Je ne regardais que le blanc de tes yeux, je ne voyais que ça. Je ne percevais rien du monde extérieur.
Aucun son, aucune image.
Rien. Juste toi.
Toi, ta bonne humeur constante, ta gentillesse, ton corps... Toi, l'homme que j'aime et que j'aimerai toujours.
Toi, mon amour.
Tu as fermé les yeux un instant. J'ai pensé que tu allais refuser. J'en étais sûre. J'ai voulu m'enfuir. Mais tu as pris ma main.
Tu m'avais retenu.

 Tout en gardant ta main posée sur la mienne, tu as ouvert la bouche. Tu m'as souri.
J'y ai cru. L'espoir revenait en moi, puissant. Comme mon amour pour toi. Il me portait.
- Je t'aime, Clara. Je ne te laisserai pas tomber.
J'ai pris peur. Cette phrase ne supposait rien de bon.
- J'accepte de rester avec toi, pour toujours, à la vie et à la mort. Je ne te quitterai pas.
J'ai sauté dans tes bras, et t'ai embrassé.

* * *

 Le lendemain matin,à huit heures, le magnifique soleil crépusculaire de Sunlit Tides montrait le bout de son nez. Pendant ce temps, notre couple, assis à table, prenait tranquillement son petit déjeuner tout en discutant des futurs évènements de la journée.
- Dis, chéri... commença Clara. Tu penses pas qu'on devrait aller faire un tour au dépôt-vente ce matin ? La maison manque cruellement d'ameublement et je pense que...
- Si tu veux, l'interrompit-il brusquement, le sourire aux lèvres. Je sais pas si il y aura grand chose, mais on peut essayer si ça te fait plaisir.
- OK ! Tu pourrais peut-être en profiter pour aller voir Jo...
- Pas aujourd'hui. Elle travaille.
- Ah bon ? Pourtant on est dimanche... J'y comprends plus rien à son boulot...
- Elle est dans la cuisine. En gros elle travaille quand les autres travaillent pas.

 Au dépôt-vente, le couple resta finalement sceptique : le propriétaire n'était pas là, et les meubles rustiques qui s'y trouvaient n'étaient pas au goût de Clara.

- Humm, chéri... Je sais que tu aimes beaucoup ce genre de collections, mais... tu vois, c'est pas vraiment mon style...
- Humm... soupira Maxence d'un air gêné. Je te comprends, mais ça te dérangerait pas qu'on reste encore, disons... cinq minutes ?
- Cinq minutes, pas plus, alors.
- Bien. Et ensuite on...
- J'appelle Marie, une collègue. Ce serait sympa qu'on aille la voir, non ? Elle m'a dit qu'elle allait dans un petit square pas loin d'ici.
Gêné, Maxence accepta la proposition de sa bien-aîmée. Bien qu'il eût totalement confiance en Clara, et qu'il fût certain de l'aimer parfaitement, il se demandait de plus en plus s'il n'était pas en train de se faire avoir par son esprit dominateur.
Cinq minutes plus tard, le couple se rendit au petit square, où il retrouva Marie ainsi que quelques autres amis.

- Hey ! Coucou Marie ! Tu vas bien ?
- Super bien, Clara. Et toi ? Ton copain se porte bien ?
Elle avait prononcé cette dernière phrase en riant. Cela déplût à Clara, mais cela déplût encore plus à Maxence qui riposta immédiatement.
- Le copain en question se porte divinement bien, oui, et je vous ferai remarquer qu'il se trouve juste derrière vous.
Marie se retourna brusquement et toisa Maxence d'un air dédaigneux.
- Hmm... Vous êtes bien Maxence ?
- Lui-même. En chair et en os, comme vous pouvez le voir.
Clara ne répondit pas. Elle se contentait d'assister à la scène, d'un air gêné.
- Bon, écoutez, Maxence, reprit Marie, je ne vois pas ce que vous venez faire ici, alors que je suis sensée être en conversation PRIVÉE avec ma collègue. Donc je vous prierai de bien vouloir nous laisser seuls un moment.
Clara indiqua d'un signe de tête à son homme qu'il avait intérêt à obéir le plus rapidement possible s'il ne voulait pas subir l'énervement de la jeune brune.
Et c'est ce qu'il fît.

 Une fois l'homme parti, les deux femmes papotèrent ensemble.
- Quand même, ça se fait pas trop, ce que tu lui as fait, à mon homme...
- Quoi ? Tu sais bien que j'aime être franche.
- Oui, mais tu es allée un peu trop loin, là, je trouve.
- T'as p'têt raison, mais bref. Vous en êtes où tous les deux ?
- Il a emménagé chez moi hier.
- Mais t'es devenue folle ou quoi ? Pourquoi tu l'as fait vivre dans ta baraque à deux francs six sous ? Pourquoi t'es pas allée chez lui ? Au moins, il a une vraie maison, et il t'héberge, c'est pratique.
- Tu sais très bien pourquoi, et je vais pas m'éterniser là-dessus, répliqua Clara en soupirant.
- Comme tu voudras, mais tu sais bien que je vais pas te lâcher avec ça...
- Je suis au courant, je te rassure.
A ce moment-là, Marie baissa la tête et regarda longuement ses pieds. Elle soupira.
Clara ne l'avait pas lâchée du regard.
Au bout de longues minutes, elle releva ses yeux.
- Clara...
- Oui ma poulette ? Il se passe quelque chose ?
- Non, trois fois rien, mais... il faut que je te parle.
- Clara !
Cet appel particulièrement bruyant venait de Maxence, c'était certain. Marie poussa un soupir de soulagement. Elle esquissa un minuscule sourire, comme pour dire à son amie de le rejoindre.
Comprenant ce signe, elle fit volte-face et abandonna la jeune femme au profit de l'homme.

- Hey... Ça va pas de m'appeler comme ça ? T'as pas vu qu'on était en pleine conversation ? Non, ça te passe au-dessus de la tête c'est ça ?
- Clara, bébé, tu sais bien que je parlais pas du tout dans ce sens, au contraire...
- Je sais bien, mais, écoute, je la sens pas bien, et là fallait vraiment que je lui parle. Au lieu de ça..
- Oui, bon, je comprends, c'est pas la peine d'en faire tout un foin non plus. Tu lui en reparleras demain...
- C'est plus important que tu ne le penses...

- Bah justement, si tu pouvais seulement me dire clairement les choses, et pas sous forme de sous-entendus comme ça...
- Comment tu veux que je te dise tout clairement si c'est déjà pas clair dans ma tête ? Elle a baissé les yeux pendant, genre, trente secondes, et elle les a relevés. Elle avait l'air... dégoûtée, c'est le mot. Elle allait avouer, je le sentais. Elle allait tout me dire. Et c'est là que tu m'as appelée. Franchement, j'ai trouvé ça pas sympa et...
- Et tu m'expliques comment j'étais censé savoir que vous étiez dans cette situation ?
Clara ne répondit pas. Elle se contenta de le regarder sans un mot. Lui, l'homme qu'elle aimait plus que tout au monde, qu'était-il en train de faire ?
Ou était-ce elle la responsable ? Tant de questions se posaient dans sa tête, pour si peu de réponses... Marie était perdue, pour une raison obscure, et elle avait besoin d'être aidée.
Urgemment.
Mais comment ?

Elle put à peine savourer la préparation du dîner dans une vraie cuisine, sur un véritable plan de travail. En effet, l'argent apporté par Maxence lors du déménagement avait permis quelques dépenses visant à améliorer la maison familiale.

 Outre l'aménagement d'une cuisine, la maison disposait désormais d'une chambre à part. La façade avait également été partiellement refaite.

   Le dîner se passa dans le plus grand silence. Le couple se contenta d'avaler ces macaronis au fromage le plus rapidement possible, afin de vite pouvoir conclure cette journée.
Il y avait pourtant tant de sujets de conversation possibles ! De l'emménagement à la visite au dépôt-vente, à des sujets plus durs comme Joëllia ou Marie, tout était possible.
Mais rien n'était faisable pour le couple.

   Après le repas, le couple débarassa la table, et fila donc au lit sans un mot. L'atmosphère était oppressante, et la tension montait petit à petit dans le couple.
Dire que, il y a vingt-quatre heures à peine, le duo jouissant d'un bonheur extrême; il s'était transformé en cauchemar.

   Au moment d'aller travailler, le lendemain, Clara s'installa sur le siège passager sans le moindre mot.
Quant à Maxence, assis sur la banquette arrière, il fixa l'arrière du crâne quasi-chauve du chauffeur pendant tout le trajet.

   A la sortie du bureau, Clara, confuse, réfléchit.
Elle avait évité Marie toute la journée; et il lui avait semblé que son amie en avait fait de même.
Elle hésita à la cueillir à la sortie.
Cependant, elle ne le fît pas; cela lui semblait trop rapide, trop brusque. Elle attendrait quelques jours.

   Au moment de cuisiner, elle eut la surprise de voir Maxence s'approcher d'elle.
- Ma chérie... commença-t-il. Je voulais te parler.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? répondit-elle, froidement.
- Je... je regrette ce qu'il s'est passé hier. Je ne voulais pas, vraiment, et... je me sens coupable. Franchement, je voulais pas... Désolé.

   - Chéri... Je... c'est moi qui m'excuse. Tu n'y es pour rien, c'est moi qui me suis emballée et... j'espère que tu comprendras...
- Ma belle, je pense qu'il faudrait que demain, on se repose tous les deux. On pourrait prendre des vacances de deux jours, aujourd'hui et demain. Comme ça, on pourrait passer la journée ensemble. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Tu as toujours de bonnes idées. Bien sûr...

   Le soir, avant de dormir, le couple prit le temps de parler un peu sur le lit.
- Je suis vraiment heureux qu'on se soit réconciliés, Clara. Franchement.
- Sans toi, ça n'aurait pas été possible. Tu me connaîs, j'aurais jamais fait le premier pas toute seule et...
- Stop, j'ai compris.

   C'est alors que Maxence posa son doigt sur la bouche de Clara pour la faire taire, et bascula pour l'embrasser.
- Mon amour... je suis à toi, dit Maxence. Je t'aime depuis le premier jour et... je ne regrette absolument pas d'avoir emménagé avec toi. Car tu es toute ma vie, tout ce qu'il me reste depuis que j'ai quitté Joëllia. Cette garce...
- Ne parle pas d'elle... Tout est fini, tu ne la connais plus, tu ne lui parleras plus jamais. Non, il n'y a plus que nous deux... Nous sommes seuls face au monde, Maxence. N'oublie jamais ça...

   C'est donc sous la couette que se termina cette soirée, pleine d'amour dans le couple.

Le lendemain matin, comme promis le couple prend un congé de deux jours.

Puis, il se retrouva à table afin de réfléchir aux activités de la journée.
- Perso, je pensais qu'on pouvait aller au festival d'automne, commença Maxence. Il y a plein de choses à faire là-bas.
- Ah oui ça pourrait être une bonne idée. En plus, comme la journée de l'horreur c'est demain il devrait pas y avoir trop de monde. Enfin j'espère.
- Donc la décision est prise ?
- Oui, on va là-bas et on verra bien sur place.

   Là-bas, au parc, le couple décida de participer au concours de croque-pommes.
Face à eux, un homme semblait avoir de l'expérience: en effet il attrapait facilement les pommes une à une, contrairement à Clara et Maxence qui, eux, peinaient à décrocher le moindre fruit.

   Finalement, Maxence fut le premier à obtenir une pomme, et il ne passa pas à côté de cette victoire.
- Cha y est ! Regarde Clara ! Che l'ai !
- Oui, bon, pas la peine de narguer, hein... On fait comme on peut...
- Che suis sûr que tu vas y arriver ! Allez ! Ch'est fachile !
- Plus fachile à dire qu'à faire, oui...

   - Oh ! Ch'en ai une ! Ch'en ai uuuuune !!!!
- Pas la peine d'hurler, chérie, on a compris.
- Roh, ch'est bon, hein ! Toi, tu faichais pareil tout à l'heure ! Nah !
- Gamine, va...
- Comment tu me parles ? Hein ? Hein ? Répète un peu ?
A force de parler et de gigoter dans tous les sens, Clara laissa retomber sa pomme dûment gagnée dans la bassine.
Frustrée, elle abandonna le jeu (son côté mauvais joueur était remonté à la surface), et Maxence en fit de même.

   C'est donc l'homme, inconnu, qui remporta ce concours.

   - Bon ! Je rejouerai plus jamais à ça, tu peux me croire ! dit Maxence, tout en enlaçant sa dulcinée.
- Moi non plus, d'ailleurs. Cette pomme qu'a rien trouvé de mieux que de retourner dans la bassine... je te le ferai manger, tiens !
- Roh... J'y peux rien, moi ! C'est toi qu'es maladroite, ma pauv' dame !
- Oh c'est bon hein. Tu veux faire autre chose ?
- Il y a la maison hantée qui m'a fait de l'oeil pendant tout le concours. T'en penses quoi ?
- Euh... je tiens pas vraiment à me faire tuer par un fantôme si tu veux mon avis...
- Allez, ça fait des générations que les gens vont là-dedans, et il y a jamais eu de morts. Je te jure, il y a zéro risque.
- Si ça te fait plaisir...

   - Mais j'avoue que je suis pas rassurée, hein. Regarde toutes ces tombes... et...
- Arrête, on dirait un bébé ! Allez, viens !
Il lui prit la main, et l'entraîna dans les ténèbres.

A la sortie de l'animation.
- Bah tu vois que t'es vivante ! C'est pas les ridicules fantômes qu'il y a là-dedans qui vont te dévorer, hein !
- Euh... Figure-toi que j'en suis pas si sûre. Il y en a un, notamment, j'ai bien failli me pisser dessus...

- Non, t'es sérieuse dans ce que tu racontes ? Moi, ils m'ont à peine effleuré la peau, j'étais déjà ressorti.
- Bah t'as eu de la chance, tiens...
- Malheureusement, j'aurais bien aimé que les fantômes viennent me caresser la peau.
- Tu deviens fou ? C'est horrible !
- Je savais qu'on avait pas la même sensibilité. Bref, je crois qu'on a fait le tour, tu veux rentrer ou... ?
- Pour tout te dire, il y a la plage juste en face qui me fait bien envie. Il fait chaud, et j'ai les maillots dans mon sac. Donc si tu veux...
- T'as toujours des idées géniales chérie. On fonce !

Après s'être changé dans les cabines d'essayage, le couple sauta dans l'eau et s'amusa à s'éclabousser.

Malheureusement, ce moment d'amusement ne dura pas longtemps puisque Clara dut aller vomir sur la plage.
Maxence accourut le plus rapidement possible à la vue de cet évènement.

- Chérie, ça va ? dit-il précipitamment, avec inquiétude. Tu as de la fièvre ? Je savais que c'était pas une bonne idée de se baigner par ce temps... Rhabille-toi, et mets ma veste. Faut pas que tu attrapes froid...
- Maxence, répondit calmement Clara. J'ai rien de grave, et j'ai pas besoin de ta veste. C'est très gentil de ta part de prendre soin de moi comme ça, mais... je pense pouvoir me débrouilleur seule.
- Comme tu voudras, mon amour. Mais... je suis inquiet... Tu as peut-être chopé une gastro ? Ah, ça doit être ces pommes ! Et ce mec... peut-être que c'est lui qui te l'a refilé ? Je lui en voudrais à vie !
- Chéri... calme-toi. Respire un bon coup... et on va rentrer.
- Mais tu peux comprendre que...
- J'ai compris. Mais toi il faut que tu comprennes que tout va bien, et que je n'ai rien de grave. D'accord ?
- Si tu y tiens, mais... tiens-moi au courant.

Dès son arrivée à la maison, Clara fila illico dans la salle de bain, et vomit de nouveau.
- Chérie... cria inquiètement Maxence. Il faudrait que tu ailles voir un médecin demain... Ça devient urgent...
- Tu as raison, et c'est ce que je compte faire. En attendant... il faut que j'appelle Marie. Ce soir.
- Mais... t'es sûre que c'est le moment ? Je veux dire, t'es pas en forme et...
- Je suis en forme, et puis rien. Il faut vraiment que je l'aie, j'ai déjà trop traîné...

Ainsi, immédiatement après le repas, pendant que Maxence faisait la vaiselle, Clara appela Marie.
- Allô ? entendit-elle à l'autre bout du fil.
- Marie ? C'est Clara. Je voulais savoir, pour avant-hier, euh... il faut qu'on se parle...
- Écoute, il est tard et je crois pas que ce soit le moment propice pour parler de ça...
- Pour moi, ça l'est. C'est important, et il faut que je sache ce soir. Après ce sera peut-être trop tard...
- Soit, je vais tout te dire.
Fin de l'épisode 4.