Episode 5.

La tension était palpable. Le coeur de Clara battait à cent à l'heure, et Marie, à l'autre bout du fil, émettait des balbutiements incompréhensibles.
Cependant, la jeune italienne se retint de dire le moindre mot. Elle attendait impatiemment que son amie ouvre la bouche, et lui annonce toute la vérité.
- Clara... commença Marie.
La fréquence des battements du coeur de cette dernière doubla. Toutefois, elle ne répondit rien. Sa correspondante avait sûrement besoin de temps pour réfléchir.
- C'est... c'est Loïc...
Loïc... Clara associa le nom à un visage tout de suite.
Loïc, c'était le souffre-douleur de sa classe de Monte Vista quand elle était jeune. L'éternel idiot du village, celui qui ne peut rien faire, qui n'aime personne... que personne n'aime.
C'était un garçon étrange, toujours lunatique, qui pouvait parfois se montrer agressif comme, au contraire... sage, mais reculé. Il ne parlait jamais à personne, personne n'allait jamais vers lui.
Mais ce n'était pas lui. Non. C'était impossible.
Et pourtant... une lueur d'espoir résidait dans le coeur de Clara. Le monde est petit... Peut-être même trop.
- Loïc, tu ne le connais sûrement pas, et c'est normal, continua Marie. Il est grand, beau, tout pour plaire quoi... Et je... je crois que... je l'aime.
Clara poussa un soupir de soulagement. S'il avait tout pour plaire, il ne pouvait pas être ce même homme qu'elle avait connu au collège.
- Mais... il m'a raconté qu'il n'avait pas toujours été comme ça. Que, quand il était au collège, toute sa classe le rejetait... il m'a fait de la peine, tu comprends, et...
Clara acquiesça, et encouragea son amie à continuer. Le doute commençait à monter en elle. C'est à peine si elle respirait.
- Il... il m'a dit que... il... il t'a reconnu la dernière fois et tu... tu étais... il...
Clara manqua de s'étouffer.
C'était donc lui. Lui, qu'elle s'était amusée à persécuter pendant de si nombreuses années, entourée de sa bande d'amies. Et aujourd'hui, elle le retrouvait. Marie le connaîssait. Elle prit sur elle, et lâcha un mot afin d'encourager son amie :
- Je... je t'écoute.
- Clara... ce Loïc... il t'aime ! Il ne veut que toi ! Pendant toutes ces années, il essayait de te parler, de te le dire, et... rien. Pas même un regard pour lui. Même au square, tu ne l'as pas vu, même pas aperçu. Et pourtant, il était bien là... Et il t'admirait, dans toute ta splendeur. Et moi, que dire de moi... Je ne pense qu'à lui tout le temps, et lui... je ne suis qu'une simple amie. Une amie proche, certes, mais je voudrais tellement plus...
Clara ne put rien répondre. Sa gorge s'assécha. Elle sortit rapidement un "au revoir" et raccrocha brutalement.

 Déprimée, elle alla rejoindre Maxence dans le lit conjugal. Celui-ci dormait déjà depuis un moment.

L'image de Loïc ne lui sortait pas de la tête.
Elle se remémorait ces scènes violentes au collège, où Loïc perdait toujours. Il était comme une machine, il n'arrêtait jamais d'ennuyer le monde.
Mais était-ce vraiment lui ? Qui allait le chercher tous les jours à la récréation, pour le traiter de tous les noms ? Qui ne passait jamais à côté de lui sans le frapper, ou lui faire une remarque désobligeante ?
Ce n'était pas lui. C'était elle.

Elle de ne dormit pas de la nuit. Elle dut se relever trois fois pour retourner vomir.
Et, comme si ça ne suffisait pas, il y avait lui. Loïc... Quel était son nom ? S'en rappellerait-elle ? Si seulement...
Il était là. L'image était revenue.
Loïc Henvas.

- Clara, chérie, commença Maxence au petit-déjeuner. Tu te doutes bien qu'il va falloir qu'on parle.
- Je... je peux pas, mentit Clara. Elle m'a dit que je ne devais rien te dire. Que... que c'était vraiment personnel, qu'elle ne te connaissait pas bien et que...
- Je comprends, interrompit l'homme en portant la fourchette à sa bouche. Et... tes nausées, ça va mieux ?
- Pas vraiment. Il faudrait qu'on aille chez le médecin aujourd'hui, ça commence à devenir insupportable...
- Pas de soucis mon coeur. On y va juste après manger.

A l'hôpital, le couple attendait, anxieux, dans la salle dédiée à cela. La jeune rousse n'arrêtait pas d'énumérer toutes les possibilités risquant de se profiler.
Quand le médecin les appela pour leur tour, elle sursauta.

- Bonjour ! Vous devez être Clara Aldrezzi ?
- Oui, c'est bien moi.

- Bien. Je vais vous demander de vous installer sur le fauteuil que vous retrouverez derrière ce voile, si ça ne vous dérange pas...
- Pas le moins du monde, rassurez-vous.
Le test se passa calmement. Clara laissa le médecin l'examiner sans broncher à la vue des instruments.

- Bien... Maintenant que c'est fait, je voudrais savoir si... c'est grave ?

- Grave ? Pas le moins du monde, je vous assure. Vous portez un bébé !
- Je... je suis enceinte ? C'est... j'arrive pas y croire... vous êtes sûr ?
- Vous pouvez être fière !
- Je le suis ! Vous permettez que je prenne congé pour...?
- Bien sûr.

- Chéri...
- C'est quoi ce sourire ? Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est grave...
- T'emporte pas pour rien mon chou. Non, nous allons être parents...

- Han ! C'est... c'est vrai ? s'exclama Maxence en sursautant. Nous ? Parents ? C'est tellement génial que... j'ai pas de mots pour le décrire quoi...
- Je te comprends. On rentre ?
- Bien sûr, on va pas moisir ici.
Maxence embrassa Clara, Clara embrassa Maxence, et le couple bourdonnant d'amour arriva à leur maison, futur nid de leur enfant.

Tout en cuisinant le repas du soir (la visite à l'hôpital avait été plus longue que prévue), la future maman réfléchit.
Certes, elle était heureuse d'être mère. Mais cela lui rappelait Loïc : elle ne l'aimait pas, mais... elle mourrait d'envie de le revoir. Il avait certainement changé d'apparence : quelle était-elle ?
La curiosité de Clara à l'égard de cet ancien camarade de classe ne cessait de grandir.

Cependant, à table, elle fit preuve de joie et de bonne humeur auprès de l'homme qu'elle aimait tendrement.
Le soir venu, le couple s'endormit rapidement, rêvant à après.

Bien qu'enceinte, le lendemain matin, notre future mère de famille s'adonna aux tâches ménagères. Elle commença par la lessive.
En effet la petite famille avait désormais une machine à laver, ce qui évitait d'aller à la laverie automatique de la ville.

Puis, elle étendit le linge en refléchissant au prénom qu'elle et Maxence allaient donner à leur enfant.
Enfin, ils avaient encore sept mois pour réfléchir.

Pendant que les ouvriers travaillaient sur la chambre du futur bébé, Clara peignit. Son oeuvre ne ressemblait pas à grand chose pour l'instant, certes. Mais ce n'était que le début.

Après toutes ces tâches ménagères accomplies, Clara, en ayant assez de la peinture pour ce jour, décida de se poser sur son lit pour lire un roman.

Mais, la délicate musique de la voiture du marchand de glaces la fit changer d'avis tout de go. Elle était heureuse. Et rien ne pouvait la faire pleurer. Pas même Loïc.
Fin de l'épisode 5.